Romie Objetti – Paris
Styliste durant une dizaine d’années, Alice a renoué avec la création artistique depuis 2020 auprès de son père ébéniste sculpteur, qu’elle accompagnait déjà petite dans son atelier.
Sa marque, Romie Objetti, est née du désir de créer un univers global mêlant la décoration d’intérieur & les bijoux, un moyen d’expression multiple où les formes et les matières se répondent sans poser de limites.
Romie Objetti, une collection d’objets sculptés en bois : rencontre avec sa créatrice, Alice Damiens.
Peux-tu te présenter stp ?
Je m’appelle Alice Damiens, j’ai 30ans, je suis née dans le nord de la France et je vis à Paris depuis 12ans.
Je suis styliste (prêt à porter, accessoires) depuis plusieurs années et j’ai lancé il y a 2/3ans « Romie Objetti », une collection d’objets que je sculpte en bois.
Il y a un an j’ai quitté mon poste de styliste pour une marque française, afin de me consacrer (presque) entièrement à « Romie ».
A quel moment as-tu commencé à créer ?
Mon père est ébéniste sculpteur. Donc j’ai toujours grandi dans un univers où la création, le fait de “fabriquer” quelque chose avec ses mains, est important.
Petite je l’accompagnais très souvent dans son atelier, pour bricoler avec lui. J’ai toujours aimé bidouiller des petites choses, coudre, sculpter le bois, la pierre.
En ce qui concerne Romie, j’ai commencé à tourner en 2020 dans l’atelier de mon père, de gros bracelets en bois, qui s’empilent, dans un esprit « Diana Vreeland ». Ensuite j’ai eu envie de faire des boucles d’oreilles. J’ai toujours été branchée bijoux et j’avais envie de travailler directement avec la matière, de retrouver une dimension plus artisanale dans mon quotidien (Je faisais cela en parallèle de mon travail de styliste.)
Le covid est arrivé, le confinement avec. Et ça m’a permis de « prendre le temps” d’aller plus loin dans mes envies. Je venais d’acheter mon appart et j’avais donc envie de créer un lieu de vie à mon image.
Rapidement j’ai donc eu envie d’avoir une lampe de la même forme que mes boucles d’oreilles, et puis une seconde lampe, des couteaux, des bougeoirs, et ainsi de suite.
De là est venue l’idée d’ “Objetti » , c’est un Mot que j’ai imaginé pour représenter sans définition précise de « fonction » les objets que je crée.
On demande souvent aux gens de choisir une catégorie d’objets dans la création: de la décoration d’intérieur ou du bijou, du fonctionnel ou du sculptural etc.
Je n’avais pas envie de choisir une case. Pour moi tout peut cohabiter ensemble dans un même univers.
Dans Objetti il y a aussi bien des lampes, que des boucles d’oreilles; des couteaux, que des bracelets, du fonctionnel comme de « l’inutile ».
Quand et où te sens-tu la plus créative ?
Lorsque je suis seule et que je peux réfléchir tranquillement à mes envies. Chez moi, ou à l’atelier, mais surtout lorsque je n’ai aucune contrainte de temps.
Pouvoir prendre le temps de réfléchir, de me plonger dans des livres, des photos, des souvenirs, de faire des prototypes, est essentiel dans mon processus créatif.
Quelles sont tes plus grandes influences artistiques ?
Dans l’art, j’ai une vraie attirance pour la sculpture, la peinture et l’architecture moderniste.
Mais beaucoup de choses m’inspire.
Ca peut aller de la « colonne sans fin » de Brancusi, au souvenir d’une odeur de mon enfance, à un lit blanc défait, au style d’un hall d’entrée d’immeuble, à l’ombre d’un visage ou d’une main projetée sur le mur, à la mer du nord l’hiver ou la montagne l’été.
Finalement, tout ce qui me procure une émotion positive, un sentiment de beauté, d’énergie, de douceur, ou de force m’inspire. La mélancolie est aussi inspirante, je trouve que cet état de légère tristesse nostalgique pousse à la rêverie, à l’imagination.
Peux-tu nommer une femme qui t’inspire ? Et pourquoi.
Beaucoup de femme m’inspirent, que ce soit par leur intellect, leur force, leur audace, leur beauté aussi.
Mais là comme ça, je dirais Barbara Hepworth.
Je suis une grande admiratrice de son oeuvre, son style, sa vie en général.
j’aimerais également nommer Mona Chollet (Pour changer des femmes artistes ou politiques ). Elle m’inspire aussi bien par son travail de recherche, que par sa faculté à remettre en question tout ce qui fait que notre société est comme elle est aujourd’hui. Je trouve sa vision de la société très juste. Ses livres m’ont beaucoup aidé et m’aident encore dans mes réflexions quotidiennes.
Pour une femme qui m’émeut je dirais Valentine Schlegel, elle m’émeut dans la manière dont elle a vécu son art. Elle l’a vécu pleinement avec une certaine force tranquille empreinte d’une légère note de mélancolie. Lorsque je vois des photos d’elle ou de ses oeuvres je suis touchée, émue, J’aurais adoré avoir la chance de la rencontrer.
Ma grande soeur me fait rire depuis que je suis née. Malgré nos 4ans d’écarts, nous sommes très proches, connectées, et à chaque fois que l’on se retrouve – elle vit dans le sud donc on ne se voit pas souvent- c’est comme si nous nous étions quittées la veille.
Comment travailles-tu ?
Alors je travaille « en continu » meme si j’ai des périodes + intenses que d’autres.
Selon ce que je dois faire, le lieu et la position changent forcement. Al’atelier je suis essentiellement debout et en mouvement. En revanche pour les moments de recherches , d’inspirations, je suis souvent assise ou allongée.
Je travaille presque tout le temps en musique. Rares sont les moments où je n’ai pas de la musique qui m’accompagne.
Travailler, et plus globalement ,vivre en musique est primordial pour moi. Cela a un réel impact sur mon humeur et j’adapte mes playlists en fonction de celle ci et de ce que j’ai à faire.
Lorsque je suis dans une période de production, où j’ai besoin de rester concentrée et organisée, j’ai besoin d’écouter des chansons que je connais par coeur. Ça me rassure et me permet de restée focus. Je n’ai aucun problème à écouter une musique en boucle, le principal est qu’elle me fasse me sentir bien, et m’apporte ce dont j’ai besoin dans l’instant présent: énergie, apaisement, confiance, nostalgie etc.
Je travaille essentiellement seule ( ce qui n’est pas plus mal pour autrui, rapport à certaines obsessions musicales et au volume auquel je les écoutes ah ah)
Parfois mon père m’accompagne lorsque je suis dans son atelier. Il m’apprend et me soutient beaucoup.
Combien de temps passes-tu sur un projet ?
Je n’ai pas de temps défini.Il m’arrive de developper une nouvelle pièce en très peu de temps, quelques jours, même parfois quelques heures.
Et il m’est également arrivé de finir une pièce 6 mois après l’avoir commencée.
Quelle est la partie la plus difficile de ton travail ? Celle qui te passionne ?
Depuis que je suis à temps plein sur romie- je connais bien sur des periodes plus difficiles que d’autres- mais j’aime tellement ce que je fais (pour l’instant en tous cas, je ne sais pas ce que je dirais dans 5 ou 10 ans..)que la partie la plus difficile de mon activité finalement est le rapport aux autres. Le moment où je montre la pièce finalisée.
C’est assez dur finalement de confronter sa « création » au regard d’autrui et donc son jugement.
Il y a aussi une dimension physique qui peut parfois être difficile au quotidien, car la sculpture et le tour à bois sont des activitées qui demandent de l’énergie et de la force.
Que ce soit mentale en concentration car je travaille avec des machines dangereuses et des outils tranchants, mais aussi physique car le bois est une matière très noble mais souvent aussi très lourde et dure. Il y a une sorte de défit à chaque fois que je commence une pièce. Je dois « dompter » la matière et parfois accepter ne pas pouvoir obtenir ce que j’en veux car elle en a décidé autrement. Le bois est une matière qui reste toujours vivante.
Mais c’est également ce qui me passionne dans mon travail. C’est ce rapport à la matière, à la lumière, comment l’idée première se transforme au fur et à mesure de sa création face à tous ces rebondissements techniques et d’envies qui évoluent.
Parle-nous de l’un de tes projets coups de coeur .
Il y a quelques mois, j’ai sculpté une sphere de plus de 70cm de diamètre en Grisard (peuplier du Nord de la France) Et j’ai adoré. C’est ce qui m’a donné envie de réfléchir à de plus grosses pièces, où la beauté du bois prend un tout autre aspect par sa dimension, les techniques employées, et la manière dont on le met en avant, on le prévoit dans un espace.
Peux-tu résumer ton art en trois mots ?
Sculptural, Organique, Sensible.
Quels sont tes projets à venir ?
J’essaie de me laisser guider par mes intuitions.
Il y a peu de temps je suis tombée un soir par hasard sur un plateau de verre ovale, abandonné dans la rue, juste en bas de mon immeuble.
Ça m’a donné l’envie d’imaginer une table basse. C’est en cours 🙂
De manière plus générale j’ai envie de travailler sur de plus grosses pièces, aller plus loin dans la matière.
Un immense merci pour ta lumière & sensibilité Alice.
With Love & Light,
Alexis Xx
Photos signées Arnaud Le Brazidec.
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