Emmanuelle Oddo – Marseille
Emmanuelle Oddo est critique d’art contemporain, galeriste, commissaire d’exposition et curatrice indépendante. Elle a créé Pièce à Part en 2018, Rivages Podcast en 2020 et Amers Books en 2021. Et pas que. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle est fascinante.
Élevée entre terre et mer, Emmanuelle est une vraie marseillaise. Après un détour à Paris, puis Buenos Aires, cette prescriptrice d’un art de vivre qui prône le naturel et la simplicité, revient en terres phocéennes restaurer le lien entre l’Art, le Design et la Nature.
Que ce soit confinée sur l’Île de Porquerolles à bord de son voilier Talia, au coeur de sa maison ou par le biais de ses explorations créatives, la Nature est partie prenante de chacun de ses projets.
Une sobriété moderniste et pleinement assumée.
Peux-tu te présenter, nous parler un peu de toi, de ton parcours, mais aussi de tes rêves et aspirations, depuis ton enfance à Marseille à aujourd’hui ?
J’ai en effet grandi à Marseille, dans une famille très tournée vers la mer et la nature, et dans une maison remplie de livres, où les bibliothèques débordantes étaient les meubles les plus présents de la maison. Depuis, j’ai toujours beaucoup aimé lire, naviguer, observer, imaginer. Comme beaucoup d’entre nous sûrement, mes rêves d’enfants étaient remplis d’aventures fantasmées, d’expéditions lointaines. L’envie de créer un jour ma propre structure m’a poussée à faire des études de management. Je ne savais pas encore de quoi il s’agirait, mais déjà je crois que l’envie de créer et d’être autonome était palpable. Mes diplômes en poche, j’ai rapidement travaillé en entreprise dans des univers toujours créatifs, avant de me lancer en tant que commissaire d’exposition indépendante, puis de créer Pièce A Part en 2018, alors de retour à Marseille.
Photo Florian Touzet
Tu as créé Pièce à Part il y a trois ans maintenant. A la fois agence créative et galerie d’art, peux-tu nous parler du concept à l’origine de ce projet et de son développement au fil du temps ?
Comme souvent chez moi, l’origine du projet venait d’une volonté d’abolir des barrières, pour faire communiquer plusieurs univers. J’étais alors commissaire d’exposition mais le marché classique de l’art contemporain me paraissait trop étriqué, je désirais promouvoir une vision de l’art plus démocratique, et surtout plus en lien avec le monde tangible, notre quotidien, nos modes de vie. En un mot : sortir de l’art pour l’art. Le reconnecter au réel.
Déjà, je sentais que les problématiques art-science par exemple me parlaient énormément : j’avais collaboré, pour des textes ou des expositions, avec des artistes qui travaillaient main dans la main avec des chercheurs et scientifiques : Célia Gondol, avec l’astrophysicienne Hélène Courtois ; Caroline Corbasson avec le CNRS ou le Laboratoire Astrophysique de Marseille, ou encore Elsa Guillaume avec la goélette scientifique Tara… Il était important pour moi que l’art soit une porte d’entrée vers des univers tangibles qui nous entourent, en l’occurrence les sciences naturelles, mais qui ne sont pas toujours à notre portée, ou que notre quotidien a tendance à ignorer.
Autre thème qui m’intéressait, et non sans lien : la valorisation des matériaux naturels et des savoir-faire, du fait main. J’ai donc créé une petite galerie en ligne proposant une sélection de pièces d’artistes et artisans indépendants qui travaillaient la terre, le bois, la fibre végétale… Et je me suis mise à exposer tout ce petit monde dans des lieux familiers – chez des particuliers, des concept-stores, des hôtels… – afin de désacraliser l’art et l’artisanat, les sortir des lieux trop conventionnels et les faire réellement entrer dans nos habitudes de vie, pour proposer une alternative à notre mode de consommation, plus responsable, plus engagée et davantage porteuse de sens.
Je me suis particulièrement bien entendu sur ces sujets avec l’architecte François Champsaur, qui m’a confié plusieurs projets dont la co-curation de son exposition à la Design Parade de Toulon en 2019, sur le thème du design local et écologique.
Par la suite, Emma François, fondatrice de Sessun, m’a confié la sélection des pièces et la direction artistique de l’espace Sessun Alma, à Marseille, que nous avons inauguré fin 2019, un projet dédié aux savoir-faire justement, qui comporte également des ateliers pratiques et une librairie.
Sessun Alma - Marseille
En 2020, tu as créé un Podcast intitulé Rivages consacré aux amoureux des côtes et du grand large. Tu fais toi-même du voilier depuis que tu es toute jeune, tu es navigatrice et tu embarques à bord de Talia dès que tu peux, en famille ou entre amis. Peux-tu nous parler de ta passion pour la mer, de cette envie de la célébrer.
Toujours nourrie par mon amour pour les livres et la navigation, j’ai profité du premier confinement, passé en bateau sur l’île de Porquerolles, pour initier un nouveau projet : le podcast Rivages dédié à la mer et à l’écologie marine plus largement. Avec ce projet, auquel j’aimerais consacrer plus de temps, et avec la librairie Amers Books qui l’accompagne, je renoue avec ma volonté de porter des projets art-science, qui mêlent littérature, vulgarisation scientifique et sensibilisation à l’écologie.
Tu poursuis et complète l’aventure en créant Amer Books en 2021. Peux-tu nous en dire un peu plus sur la sélection. Sur quels critères la développes-tu ?
Amers Books est le dernier projet Pièce À Part en effet : il s’agit d’une sélection de livres de vulgarisation sur l’écologie marine. On y trouve beaucoup de livres d’art mais pas seulement. J’essaie de proposer un juste milieu entre le sensible et le concret. L’ambition est également d’éditer et développer ma propre collection sur le sujet : des petits livres d’une cinquantaine de pages, explorant chacun une notion physique liée à la mer en faisant collaborer un chercheur, un auteur et un artiste. Mais cela demande du temps et j’ambitionne de m’entourer davantage pour ce projet.
Photo Florian Touzet
De façon plus générale, quand et où te sens-tu la plus créative, la plus inspirée ? Qu’est ce qui t’inspires justement ? Quelle est la partie la plus complexe dans ton travail ? et celle qui te passionne ?
Je me nourris beaucoup de mes échanges avec les autres, bien que je travaille finalement beaucoup seule. La principale difficulté je pense réside dans le fait de canaliser mes idées et mes envies qui sont nombreuses, j’ai tendance à me surcharger. Il faut que j’apprenne à choisir et à prioriser !
Tu vis aujourd’hui à Marseille. Comment décrirais-tu ta maison en trois mots ? Quelle est ta pièce préférée ?
Je dirais que ma maison est assez gaie, on me dit souvent qu’on s’y sent en vacances. Ce que je préfère bien sûr c’est ma bibliothèque, qui contient tous mes livres et objets glanés. On y trouve aussi beaucoup d’œuvres d’art d’artistes que j’ai exposé. J’ai placé mon bureau juste en face des étagères car tout ce que j’y ai accumulé m’inspire pour travailler.
Photo Florian Touzet
Lorsque tu choisis une nouvelle pièce pour chez toi, qu’est-ce-qui t’attires le plus ?
Je fais attention à ne plus m’entourer d’objet qui ne soit pas porteur de sens pour moi. Je consomme aussi le plus possible d’occasion et passe ainsi beaucoup de temps sur Le Boncoin !
As-tu hérité d’une pièce dont tu ne te sépareras jamais ? Raconte-nous son histoire.
Je suis très attachée aux vieux livres qui sont issus de la bibliothèque de mon père, qui lui-même tenait parfois de son grand-père etc… J’ai aussi retrouvé dans la cave de mon grand-père maternel qui était menuisier quelques lampes ou mobilier sculptés de ses mains (dans un esprit assez brucusier parfois !) qui me sont très chers.
Est-ce que cette grande année de confinement a changé quelque chose en toi ? Dans ta vision de la vie ? Dans tes habitudes ? Tes relations ? Ton train de vie.
Il y avait déjà chez moi une volonté de tendre vers plus de sobriété, plus de nature, plus d’engagement aussi dans des problématiques sociétales. Le confinement m’a aidé en ce sens je crois. Mais malgré ça je reste encore débordée comme je disais par les projets que je multiplie.
Installation et sculptures crées par Léa Bigot.
Photo Léa Bigot
Offerte à Sessun Alma dans le cadre
de l'exposition
'Atelier près de la Mer'
curated by Emmanuelle.
As-tu des projets en cours, et quels sont ceux à venir ?
J’aimerais me consacrer davantage au podcast Rivages que je peine à développer faute de temps et de compétences techniques. Sortir la première édition Amers dont je parlais plus haut – le premier thème sur lequel j’ai commencé à travailler avec mon amie Aleth Mandula porte sur les nuages. Par ailleurs, je commence à collaborer en tant que rédactrice au podcast Time To Shift, sur le thème de la transition énergétique, et je planche actuellement sur un projet de livre sur les low-tech avec des artistes et une association qui travaille sur le sujet. Mais surtout, je réfléchis à m’entourer pour mener tous ces projets et à faire ainsi évoluer Piece A Part vers un collectif. A suivre …!
Photo Florian Touzet
With love from Lou Lou,
Alexis
xxx
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